Au
cours des dernières décennies, nous avons accumulé
de nombreuses confirmations expérimentales et théoriques
qui montrent que la chromodynamique quantique (QCD) décrit les
interactions fortes entre quarks et gluons. Cependant, cette
théorie suggère que ces degrés de liberté
élémentaires ne sont pas directement observables : ils
forment des particules composites, les hadrons, dont l’exemple le
plus connu est le proton. Ceci se traduit mathématiquement par
le fait que les équations de la QCD sont hautement non
linéaires et n’ont pas de solutions analytiques
complètes connues. Une discrétisation de cette
théorie sur un réseau de points d’espace-temps
(LQCD) se prête bien, en principe, à la simulation. Mais
le coût numérique énorme de tels calculs a
empêché, jusqu’à récemment,
d’obtenir des prédictions qui prennent en compte tous les
effets pertinents. Grâce au soutien du GENCI et des grands
centres nationaux de calcul intensif que sont l’IDRIS, le CCRT et
le CINES, les équipes françaises ont pu jouer un
rôle de premier plan dans les progrès considérables
faits dernièrement en LQCD.
Notre présentation commencera avec une introduction à la
QCD, à ses propriétés les plus remarquables et
à son rôle dans notre compréhension des
interactions électrofaibles de quarks. Nous présenterons
ensuite la QCD sur réseau, en mettant l’accent sur
l’adéquation de cette formulation de la théorie
avec les architectures de supercalculateurs massivement
parallèles. Nous montrerons ensuite comment les progrès
théoriques et algorithmiques de ces dernières
années, ainsi que la mise en service de supercalculateurs tels
que la Blue Gene/P de l’IDRIS, permettent aujourd’hui de
commencer à simuler la QCD ab initio et in extenso. Nous
présenterons enfin des résultats récents obtenus
par deux collaborations internationales impliquant des groupes
français, BMW et ETM, avec le soutien essentiel des centres de
calcul coordonnés par le GENCI. Ces résultats illustrent
les avancées importantes que les Blue Genes ont permis dans
notre compréhension des interactions fondamentales et de la
structure de la matière.
Jaume Carbonell est Directeur
de recherche CNRS au Laboratoire de Physique Subatomique et de
Cosmologie (LPSC) de Grenoble. Ses recherches portent sur la
description relativiste des systèmes hadroniques, en utilisant
la dynamique du front de lumière, l’équation de
Bethe-Salpeter et, plus récemment, les techniques de calcul sur
réseau. Il est le porteur du projet ETMC en France auprès
des ressources du GENCI et du CCIN2P3 de Lyon, en LQCD.
Laurent Lellouch est Directeur de recherche CNRS au Centre de Physique
Théorique (CPT) de Marseille. Ses recherches portent sur la
physique des particules élémentaires et, plus
particulièrement, sur les interactions fortes et
électrofaibles de quarks, en vue de tester le modèle
standard des interactions fondamentales et de mettre en évidence
une physique nouvelle. Il dirige la collaboration
Budapest-Marseille-Wuppertal en France et est porteur des projets de
cette collaboration en QCD sur réseau, auprès des
supercalculateurs massivement parallèles du GENCI.