Utilisation de l'IBM Blue Gene/P de l'IDRIS : Etude par dynamique moléculaire ab initio de verres de chalcogénures

Etude par dynamique moléculaire ab initio de verres de chalcogénure

Responsable et collaborateur : Eric Furet, Kateryna Sykina Affiliations : ENS de Chimie de Rennes, UMR 6226 Sciences Chimiques de Rennes, Campus de Beaulieu, 35700 Rennes

Résumé du projet

Les verres revêtent un intérêt technologique majeur comme en témoigne la diversité de leurs secteurs d?applications : optique, automobile, télécommunications, architecture, chimie?

Les verres « classiques », essentiellement constitués à base de silice, ont fait l?objet de nombreuses études expérimentales et théoriques. Récemment, des verres dits « spéciaux », tels que les verres de chalcogénures (sélénium, tellure) ont été synthétisés, notamment par l?équipe « Verres et Céramiques » de l?UMR 6226 « Sciences Chimiques de Rennes ». Ces matériaux ont été développés afin de posséder la plus large fenêtre de transparence possible dans l?infrarouge et de couvrir notamment la deuxième fenêtre atmosphérique située à 8-12 ?m. Ces verres de chalcogénures doivent simultanément pouvoir être obtenus sous forme d?échantillons massifs et posséder une bonne tenue en température afin de conserver un intérêt technologique pour la réalisation de lentilles ou de fibres optiques.

Les informations structurales détaillées sur ces matériaux se révèlent être cependant insuffisantes, ce qui limite les possibilités de rationalisation de leurs propriétés et l?optimisation de leurs caractéristiques optiques, thermiques ou mécaniques à plus long terme. Les simulations par dynamique moléculaire ab initio sur plusieurs centaines d?atomes donnent accès à la structure du verre à l?échelle microscopique, sur la base de la stoechiométrie et de la densité du système considéré.

Objet de la recherche, problématique scientifique

Le projet initié en 2009 sur la Blue Gene/P a porté sur la composition GeTe4. L?obtention de verre pour cette stoechiométrie est connue expérimentalement pour nécessiter des vitesses de trempe très élevées et ne donner lieu qu?à des échantillons de faible taille, là où la formation de verre massif de l?analogue GeSe4 est particulièrement aisée, mais présente en contrepartie une fenêtre de transparence infrarouge plus réduite.

L?objectif du projet de recherche a visé à suivre la structuration du verre lors de la phase de trempe et à analyser le système à l?état solide afin de rationaliser la tendance spontanée de GeTe4 à dévitrifier, lors de remontées en température au dessus de la Tg pour rendre le verre malléable.

Ce travail vient compléter les informations structurales disponibles au moyen de méthodes spectroscopiques. Les expériences de diffraction par rayons X ou neutrons notamment ne donnent qu?une vision moyennée de l?organisation d?un système amorphe. Les techniques sensibles à l?ordre local telles que l?EXAFS, la spectroscopie RAMAN ou la RMN ne donnent pas non plus accès à une vision microscopique détaillée du matériau. La mise en oeuvre de dynamiques moléculaires ab initio permet de simuler les effets de température (trempe) et d?évaluer au niveau quantitatif les forces qui vont présider à l?organisation du matériau en s?affranchissant de l?utilisation de potentiels d?interaction empiriques.

Caractéristiques du code et de l?implémentation sur la Blue Gene/P

Le code de dynamique moléculaire ab initio CPMD, basé sur le formalisme développé par Car et Parrinello est mis en ?uvre pour réaliser les simulations à l?état liquide et les processus de vitrification. Ce programme qui combine l?utilisation d?une base d?ondes planes et de pseudopontiels, évite l?étape d?optimisation de la fonction d?onde à chaque pas de la dynamique, ceci au prix de pas d?intégration sensiblement plus faibles qu?avec des dynamiques de type Born-Oppenheimer. Le logiciel CPMD, précompilé à l?IDRIS, est disponible en version parallélisée hybride MPI-OpenMP. Les calculs ont été réalisés en mode SMP, compte tenu des ressources mémoire requises pour les systèmes considérés.

Description des résultats obtenus

Les travaux réalisés ont porté sur le système binaire GeTe4, simulé au moyen d?une maille de ~25 Å d?arête, comportant 480 atomes répartis aléatoirement au sein de la cellule. Des pseudopotentiels de type Troulliers-Martins ont été employés avec pour valeur de l?énergie de troncature 20 Ry. A l?issue d?une phase d?équilibration à 1000K destinée à permettre aux atomes de retrouver un environnement chimiquement réaliste, une phase de trempe par paliers de 300K a été réalisée jusqu?à 100K. L?analyse de l?évolution de la sphère de coordination des germaniums au cours de la descente en température a montré la nécessité de prolonger le plateau à 400K, proche de la température de transition vitreuse (410K), jusqu?à une durée de ~20 ps. La comparaison de l?échantillon de verre avec nos calculs antérieurs sur GeSe4 fait apparaître :

  • un taux de tétraèdres GeX4 significativement plus faible (~20%) pour X=Te par rapport à X=Se
  • une plus grande disparité des modes de coordination du Ge, allant de GeX3 à GeX6
  • l?existence d?îlots de tellure au sein de la matrice

Ces résultats mettent en évidence une moins bonne structuration de GeTe4 par rapport à GeSe4, avec un caractère sensiblement plus hétérogène et ouvrent la voie à une meilleure compréhension des difficultés de synthèse de verres binaires de tellure et au phénomène de relargage de tellure observé expérimentalement. Plusieurs dynamiques supplémentaires seront nécessaires afin de permettre une étude statistique de la variabilité de la structure solide et des pourcentages d?espèces présentes en fonction de la configuration aléatoire de départ.

image 1

Figure 1 :

Visualisation des tétraèdres GeTe4 au sein de la cellule de simulation à l?issue de la dynamique Car-Parrinello à 100K.

Les germaniums sont en violet, les tellures en bleu. La présence d?îlots de tellure est perceptible notamment sur la droite de l?image.